MENUMENU
Overdoses, contaminations, isolement… Notre commode a dangers qui associe sexe et drogues de synthese prend de court la communaute.
Les associations organisent la prevention, avec des moyens limites.
Anthony (1), la trentaine, a une bonne situation : il vit a Paris, bosse dans la finance et a une bande d’amis autour de lui. Pendant plusieurs annees et jusqu’a peu, votre barbu a aussi consomme pas mal de substances pour prendre son pied avec le compagnon. Leur style tout le monde nos deux ? Notre chemsex. Cette pratique a dangers ou le sexe reste associe a la prise de drogues – GHB, methamphetamines ou cathinones, etc. – s’est democratisee depuis une dizaine d’annees avec l’apparition des applications de rencontres gays geolocalisees comme Grindr ou Scruff, ainsi, de nouveaux produits de synthese accessibles a bas cout sur Internet. Elle procure, en fonction de ceux qui la pratiquent, un plaisir sexuel plus important et plus intense. «C’etait aussi pour compenser plein de choses : un probleme d’estime sans dire et un probleme de performance», analyse aujourd’hui Anthony, qui possi?de tout arrete meme s’il controlait sa consommation. Avec le compagnon, ils prenaient leurs produits par intraveineuse – ce que les usagers appellent slam. Mais une majorite de chemsexeurs les sniffe ou les ingere sous forme de «parachute» : un balluchon confectionne avec du papier a cigarette.
Notre petit homme a accepte de temoigner devant une biere dans un sirop du IX e arrondissement de Paris pour «faire prendre conscience du probleme». Car en 2 annees, Anthony a perdu deux des copains, eux aussi chemsexeurs. Le mec d’abord, en octobre 2015, apres un accident «sous service» i domicile. Cela n’a nullement survecu. Puis le meilleur ami, un an prochainement, du fait d’une overdose pendant votre plan chems. Cette nouvelle fond prematuree a suscite bon nombre d’emotion sur Facebook, ainsi que beaucoup de discussions dans la communaute gay parisienne. «C’etait typiquement quelqu’un qui disait gerer, se souvient Anthony, regrettant un tabou du milieu homo. Chacun a le droit d’effectuer ce qu’il veut et ca ne sert a rien d’etre moralisateur, mais est-ce que tous a conscience de ses propres limites ?» Depuis 2 ou trois annees, les deces de chemsexeurs, en particulier des slameurs, se paraissent banalises ; ces derniers mois, des photos de leurs visages s’accumulent sur les pages Facebook de leurs proches, formant 1 mausolee numerique qui bouleverse la communaute gay. Diverses de ces morts seront attribuees a une surdose mortelle, un accident ou 1 arret cardiaque apres un mauvais melange. D’autres a des tentatives de suicide du fait d’un mal-etre plus general «meme s’il est i chaque fois Complique d’effectuer le lien entre votre deces, un contexte et une pratique», precise Anne Batisse, pharmacienne du Centre d’evaluation et d’information i propos des pharmacodependances (CEIP) de Paris, rattache a l’hopital Fernand-Widal. Dans un rapport destine a l’Agence nationale de securite du medicament, les CEIP de Paris ainsi que Montpellier ont d’ailleurs rapporte cinq deces de slameurs sur 51 cas observes entre 2008 et 2013 . Ce chiffre parait neanmoins sous-estime puisqu’a Paris, i propos des 24 morts par overdose «toutes drogues confondues» recensees par la brigade des stups en 2016, au moins un quart l’ont ete en contexte sexuel.
«En 2 annees, j’ai certains amis qui paraissent morts, cinq ou six anciens plans cul», confie a ce theme Luc (1), 42 ans. Ce militant engage depuis diverses annees dans la lutte contre le sida invite toutefois a «ne pas ceder a une panique morale». «C’est inquietant car il y a des personnes en souffrance, complete cet ancien chemsexeur qui a arrete Il existe deux annees. Mais il convient aussi donner des cles a ceux qui veulent se defoncer concernant le plus et dire aux autres wantmatures qu’on pourra aussi s’amuser sans drogue.» Memes impressions du cote des professionnels de sante sexuelle. «Il y a forcement eu une culture en consommation en contexte sexuel chez les gays, mais Les aliments actuels sont tres addictogenes et auparavant il n’y avait pas de culture de l’injection, note le docteur Michel Ohayon, directeur du 190, un centre de sante sexuelle du III e arrondissement de Paris. L’ecrasante majorite en population des chemsexeurs ne slame jamais. Neanmoins, elle va se mettre en tres grand danger en associant du GHB avec des stimulants. Quelques en consomment tous les semaines. Alors di?s qu’il y a des morts, evidemment cela m’inquiete, bien autant que une telle progression phenomenale du chemsex a laquelle je ne degote jamais d’explications.» En six annees, son Centre gratuit d’information, de depistage et de diagnostic (Cegidd) a commande en charge plus de 300 hommes gays ou bisexuels en addictologie, dont 6 a 7 % de slameurs.
Ce n’est que la partie emergee de l’iceberg, car ces donnees ne peuvent permettre pas d’evaluer l’ampleur reelle des pratiques de chemsex, ni leurs consequences sociales, infectieuses et psychologiques. «Il y a 1 vrai desarroi au sein d’ nos communautes face au chemsex, observe concernant une part Fred Bladou , charge d’une prise en charge addicto-communautaire pour l’association de lutte contre le sida Aides. Pourtant, le souci ne vient aucun l’usage des aliments eux-memes, le souci c’est quand cet usage n’est pas maitrise, quand l’article prime sur l’existence sexuelle, le travail ou les amis.»
La situation, preoccupante, fera d’ailleurs reagir l’organisation de lutte contre le sida : dans un post publie dans des colonnes qui appelle a des reponses pragmatiques sans alarmisme face a ce qu’elle definit comme «une pi?te sanitaire», Aides exhorte les gays, mais aussi les pouvoirs publics, a se reveiller, agir et s’organiser, bien en annoncant le lancement «a titre experimental» d’une plateforme d’urgence doublee d’une ligne d’appel 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Geree via trois militants formes au depistage et a la prevention, votre initiative doit permettre, d’apres Fred Bladou, «d’apporter d’emblee de l’aide de reduction des risques a des mecs dans l’urgence».
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